COMPTE-RENDU D’INTERVIEW
La première question que j’aimerais vous poser. Quelle est l’origine de votre réflexion sur notre motricité et la naissance de MOUVEMANCE ?
On m’a souvent posé cette question, je me la suis posée moi-même.
Peut-être, tout simplement l’observation de notre vie corporelle. J’ai porté un regard attentif sur ce corps qui, d’années en années, dérive inexorablement vers la rigidité et l’immobilisme. J’ai cherché une attitude esthétique que je n’ai pas trouvée à travers notre comportement au quotidien.
Je me suis aussi questionné sur la communication sensorielle avec autrui, qui m’a révélé une prise d’énergie à chaque contact, notre corps face à une résistance si faible soit-elle, déclenche un blocage articulaire plutôt qu’un mouvement.
Tout ceci m’a amené à m’interroger sur notre vie corporelle, une fuite en avant du mouvement de notre corps . Est-ce inexorable ?
J’ai cherché la cause à travers les mécanismes instinctifs de notre motricité. Après l’avoir en partie trouvée, tout restait à faire, comment trouver cette fluidité du mouvement dans notre vie quotidienne. Des mois, des années d’observation, de réflexion et de recherche, parsemés d’erreurs et de succès. J’avais l’impression d’être dans la vérité sans en être sûr. Jusqu’au jour où j’ai porté mon regard sur la biotenségrité et là, tout est devenu clair et a confirmé le travail effectué depuis des années sur notre motricité.
Avant d’entrer plus profondément dans la compréhension de MOUVEMANCE, pourriez-vous en quelques mots, nous le définir ?
MOUVEMANCE est un langage corporel au quotidien, basé sur la récupération de l’élasticité musculaire et articulaire s’appuyant sur la compréhension de la biotenségrité et l’importance du rôle des fascias. Ce langage prend en compte chaque partie de notre corps comme un ensemble global dans le but d’en obtenir une synergie gestuelle, réduisant les contractions musculaires afin d’obtenir une circulation optimale de notre énergie et une récupération de notre élasticité et de notre tonicité.
Ceci aura pour bienfaits une importante réduction des contraintes sur notre appareil musculo-squelettique ainsi qu’une forte diminution des maux engendrés par notre motricité non éduquée.
J’aime à comparer notre corps à une pâte à pain. Nos parties molles subissent un nombre infini de contractions (compressions) tout au long de notre vie et ceci dès notre plus jeune âge. Appliqué à une pâte à pain, cette dernière devient un bloc de plus en plus dur. La solution n’est pas de l’étirer (stretching), elle se déchire, mais de faire comme le pizzaiolo , la travailler dans le mouvement pour garder toute son élasticité.
Vous voulez dire par langage, qu’il faut revoir notre motricité depuis l’origine ?
Je ne voudrais pas paraître à vos yeux comme une personne ésotérique ou iconoclaste, mais il faut bien reconnaître que nous n’avons jamais attribué la moindre importance à l’apprentissage d’un langage corporel, à part dans notre enfance quelques observations sur notre comportement gestuel.
Ne trouvez-vous pas surprenant que la majorité de notre motricité ait pour origine et pour contrôle notre colonne vertébrale, partie la moins mobile de notre corps ?
Depuis des millénaires, notre attention s’est portée sur le développement du langage, de la pensée abstraite, de la créativité et de la capacité à résoudre des problèmes complexes. Ceci a pour bienfait de nous éloigner de nos comportements primaires et instinctifs. Faisons de même avec notre corps.
Votre réflexion ne vous semble pas être à contre-courant de l’évolution sportive ou artistique que l’on peut constater chaque jour ?
Là nous sommes dans des domaines où la dextérité et la performance sont l’essence même de la motivation. Celle-ci qui entraîne une recherche de dépassement de soi, un peu comme un élastique que l’on chercherait à tendre au maximum pour obtenir un meilleur rendement.
Pensez-vous que pour la danseuse classique à qui l’on demande durant de nombreuses années et dès son plus jeune âge, de supporter le poids du corps avec des segments tendus sur les pointes de pieds, soit positif pour son bien-être corporel ?
Il en est de même dans la plupart des disciplines sportives ou artistiques. On peut regrouper cela dans un ensemble de gestes ou de mouvements que l’on intègre de force dans la programmation de notre mémoire procédurale sans se soucier des bienfaits à long terme. Cette approche est prise en compte dans la théorie des 3M.
A l’opposé, MOUVEMANCE est un langage basé sur des mouvements simples ne demandant aucune dextérité. Ils seront présents dans notre vie quotidienne à chaque instant. A nous de les intégrer par des répétions et des gammes pour qu’ils deviennent naturels afin de reconstruire ce corps dans sa globalité où les parties molles joueront leur rôle essentiel de maintien, d’élasticité, et de tonicité.
Vous voulez dire par simplicité que ce sont des mouvements accessibles à tous et intégrables rapidement dans notre panoplie gestuelle ?
Malheureusement pas.
Simplicité ne rime pas forcément avec facilité…
Elle est accessible à tous et même à un âge avancé, mais l’humain est un animal programmé pour un comportement instinctif où l’esprit volontaire donc cérébral prime sur sa manière d’agir. Qui dit langage implique apprentissage de mots, de phrases avant de les introduire dans un texte et finir par un poème. Le mouvement peut être comparé à de l’eau. Il doit pénétrer dans nos parties molles, nos fibres nerveuses doivent s’en imprégner. Il est évident que l’eau pénètre mieux dans l’éponge que dans le bois.
Quelle évolutions, quels bienfaits, quelles nouvelles sensations peut-on attendre de MOUVEMANCE ?
Lutter contre le vieillissement, remonter cet escalator qui descend inexorablement. Redonner vie à ce corps chargé de douleurs qui se raidit et se durcit. Mais aussi, dès la petite enfance, construire une motricité basée sur l’élasticité des parties molles plutôt que de chercher une densité musculaire dévoreuse d’énergie. On ne peut imaginer les sensations ressenties dans ce corps lorsque ce bloc élastique se met en mouvement. Une simple flexion du poignet, vous sentez les élastiques se tendre, de la main jusqu’aux abdominaux et aux muscles intervertébraux. C’est dans ces moments que l’on comprend et que l’on ressent la véracité de la biotenségrité.
Peut-on retrouver une fluidité et une tonicité dans nos mouvements malgré les années et des antécédents négatifs ?
Oui, bien sûr.
Il est vrai que la fonte musculaire engendre une perte de tonicité. Mais si vous avez le choix, vous utiliserez des élastiques fins mais tendus plutôt que gros sans élasticité. Il en est de même pour nos muscles, tendons, ligaments, fascias. Augmenter la tension diminue la compression, donc les frottements, principale cause de l’arthrose.